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Les “entreprises bienfaitrices” séduisent la bio

La certification B Corp et le régime juridique des sociétés à mission font une percée dans le secteur bio. Qu’est-ce qui incite des entreprises déjà bardées de certifications et de procédures à se fixer de nouvelles contraintes ? Enquête.

Impact, mission ou raison d’être : ces termes a priori plus proches du spirituel que de l’économie marchande se sont imposés dans le jargon du management. Une tendance importée des États-Unis où elle a été initiée B Corp, une certification de responsabilité environnementale et sociale (RSE) créée en 2006. B Corp signifie Benefit Corporation – que l’on peut traduire par “entreprise bienfaitrice” – et se définit comme un mouvement visant à réconcilier la quête du profit et le bien-être de toutes les parties prenantes de l’entreprise : salariés, fournisseurs, pouvoirs publics, associations, communautés locales… B Corp a notamment inspiré la qualité de société à mission introduite dans le droit français par la loi Pacte de 2019. Les deux démarches sont complémentaires (lire encadré). La société à mission est en effet un cadre juridique attestant les engagements de l’entreprise. B Corp fournit une méthode pour les mettre en œuvre et les contrôler.

De la start-up à l’ETI

Si elles s’adressent à tous les types d’entreprises, les deux démarches attirent logiquement les plus engagées d’entre elles. Ainsi, onze B Corp françaises et étrangères étaient représentées au dernier salon Natexpo. En France, sur une dizaine d’entreprises agroalimentaires certifiées, cinq sont bio, avec un éventail qui se déploie de la start-up à l’entreprise de taille intermédiaire (lire encadré). Le contingent des sociétés à mission compte trois entreprises agroalimentaires bio du type PME ou ETI.

Ces entreprises cherchent en premier lieu à garantir que l’engagement se traduit bien en actes. “L’entreprise à mission impose deux organes de contrôle, un en interne et un externe”, explique Philippe Barnouin, président d’Ecotone qui s’est fixé comme raison d’être de “nourrir la biodiversité” (lire encadré p. 8). Quant à B Corp, la certification présente l’avantage d’être “très claire sur les plans d’action : à chaque question correspond un exemple de bonne pratique”, poursuit le dirigeant.

D’autres comptent sur un effet d’entraînement. Chez Sabarot, formaliser la mission de l’entreprise (accompagner la transition alimentaire en proposant une variété de produits naturels, bons et sains…), a permis de “fixer une ligne directrice et de donner un coup d’accélérateur sur des sujets comme le Nutri-Score, les emballages recyclables ou le recours à des fournisseurs locaux, non seulement pour les matières premières mais aussi pour les fournitures”, relate Valérie Astier, responsable de communication.

Fédérer et communiquer

Autre motivation, la communication externe. Pour Charles Kloboukoff, fondateur de la Compagnie Léa Nature, afficher la qualité de société à mission “était une évidence, inscrite dans la continuité de nos 27 années d’engagement, et perçue comme une reconnaissance par l’État de la possibilité pour les entreprises privées d’endosser des missions d’intérêt général”, explique Mireille Lizot, directrice des engagements et de la communication institutionnelle du groupe. De plus, définir la mission est un moyen de “fédérer les équipes” autour de la démarche RSE et de la rendre plus visible : “Notre démarche est certifiée ISO 26000 depuis 2013 mais ce référentiel d’ingénieur n’est pas un outil de communication”, souligne Mireille Lizot. Léa Nature n’entend d’ailleurs pas en rester là. Charles Kloboukoff vient de lancer un audit B Corp. Objectif : participer au réseau d’échanges d’expériences du mouvement.

Ces avantages n’occultent pas certaines limites. Danone est en train de les éprouver. En juin 2020, le groupe devenait la première société à mission du Cac 40. En novembre, atteint par la crise de la Covid-19, il annonçait le projet de supprimer 2 000 postes dans le monde. De quoi ternir l’objectif de “construire le futur avec nos équipes” inscrit dans les statuts… Quand la réalité économique contredit les intentions, la tâche se complique, admet Philippe Audouin, directeur général de Les Prés Rient Bio, la filiale bio de Danone, (lire p. 10)… Plus généralement, plus d’un chef d’entreprise sur deux pense que la notion un peu floue de “raison d’être” mériterait d’être précisée, selon une enquête réalisée auprès de 350 d’entre eux par le cabinet d’avocats Cornet Vincent Ségurel (*). L’entreprise bienfaitrice reste chantier en construction.

(*) Raison d’être et Sociétés à Mission, les coulisses d’une transformation, coédité par Cornet Vincent Ségurel et Entreprise et Progrès, janvier 2021.

Qu’est-ce que B Corp ?

B Corp est une certification privée des entreprises qui se fixent un objectif de contribution bénéfique pour la société, au-delà du but de faire des profits :

  • L’entreprise candidate doit en premier lieu définir sa raison d’être et sa mission.
  • Après avoir précisé parmi trois modèles d’affaires (économie solidaire, environnement, économie locale) celui dont elle est le plus proche, elle doit répondre à un questionnaire d’environ 300 questions visant à évaluer comment la mission se concrétise dans l’activité courante de l’entreprise (l’impact).
  • L’évaluation porte sur l’impact social et environnemental global de l’entreprise et donne lieu à une note sur 200. Il faut 80 points pour prétendre à être certifiée, après audits complémentaires et visites in situ.
  • La certification est délivrée pour trois ans. Le questionnaire étant renouvelé au même rythme, l’entreprise certifiée s’inscrit dans une démarche de progrès.
  • Au-delà de leur propre démarche de progrès, elles forment un réseau de collaboration entre elles et avec leurs fournisseurs, clients ou partenaires.

Les B Corp agroalimentaires bio françaises

La Société Les Vieux Copains (boissons) – score B Corp : 91

Ecotone (diversifié) – score B Corp : 91,7

Good Goût (alimentation infantile) – score B Corp : 97,5

(vin en bouteilles consignées)- score B Corp : 97,9

Bjorg Bonneterre (diversifié) – score B Corp : 102 Les Prés Rient Bio (yaourts) – score B Corp :126,8

Qu’est-ce qu’une société à mission ?

La loi Pacte du 22 mars 2019 (C. Com art. L210-10) stipule qu’une entreprise commerciale peut faire publiquement état de la qualité de société à mission si elle respecte les conditions suivantes :

  • Ses statuts précisent une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens (art. 1835 du Code civil).
  • Ses statuts fixent unou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité.
  • Un comité de mission distinct des organes sociaux est chargé exclusivement du suivi de l’exécution des objectifs et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion.
  • Un organisme tiers indépendant est chargé de vérifier l’exécution des objectifs.

Les sociétés à mission agroalimentaires bio

Ecotone (CA 2019 : 625 M€)

Compagnie Léa Nature (CA 2019 : 490 M€, dont 70 % alimentaire bio)

Sabarot (CA 2019 : 52 M€)


		

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