Alors que le premier Bel Ordinaire a ouvert ses portes l’an dernier au 54 rue de Paradis à Paris (10e), Sébastien Demorand et Cyrille Rossetto annoncent l’ouverture d’une deuxième boutique sur la Rive gauche à l’automne. L’occasion de dresser un premier bilan et de faire quelques ajustements.
C’était en mars 2017. Sébastien Demorand, journaliste gastronomique et Cyrille Rossetto, expert digital, lancent un pari osé : faire appel à des actionnaires publics via du crowdfunding pour ouvrir un lieu de vie dédié au “bien boire” et au “bien manger”. Et leur audace paie. En quelques mois, avec 104 actionnaires et plus de 520 000 € en poche, les deux associés concrétisent leur projet. Sur 100 m2 (hors espace de stockage, laboratoire…), dans une ancienne boutique de luminaires, s’installe Le Bel Ordinaire où se conjuguent vente de vin et produits d’épicerie fine (fruits et légumes, salaisons et fromages) et restauration sur place. Un an plus tard, les deux compères se disent satisfaits. Le Bel Ordinaire version Paris 10e séduit, même si les débuts n’ont pas été si faciles, reconnaît Sébastien Demorand. “À l’étranger, en Espagne, en Italie, en Angleterre, on a l’habitude de mélanger les genres et de trouver un méli-mélo d’épiceries-restaurants. Ici en France, cela n’a pas rencontré un succès immédiat. Les consommateurs français avaient besoin de savoir ce que c’était, de définir l’endroit”. Le travail est long pour faire du Bel Ordinaire un commerce d’appoint, une épicerie “utile et dispensable”. Car l’objectif n’est pas de concurrencer la grande distribution mais bien de proposer des produits “plaisir” de qualité.
De l’étagère à l’assiette
Côté sélection des produits, un seul et unique critère prévaut : le goût. Les produits (250 à 300 avec une rotation régulière) sont de toute sorte, de toute origine (même si la France est majoritairement représentée, 75 % pour les fromages par exemple). Objectif : “faire découvrir le bon” explique Sébastien Demorand, se vantant de proposer la plus belle gamme de produits italiens artisanaux de la marque Fabbri. “Au départ, on cherchait à utiliser les produits d’épicerie dans les plats pour faire découvrir de nouveaux goûts aux consommateurs et magnifier le quotidien avec des gestes simples de cuisine. Mais on a vite compris que les clients ne souhaitaient pas forcément reproduire les recettes chez eux”. Depuis, Food Cost oblige, le chef ne pioche plus systématiquement dans les produits du magasin pour concocter ses petits plats, tous 100 % faits maison. La carte, hebdomadaire, fait la part belle à des recettes simples et bien faites comme les radis beurre ou l’œuf mayonnaise (au total une quinzaine de plats avec une formule entrée/plat à 18 € au déjeuner). Avec 35 couverts par jour à l’ouverture, Le Bel Ordinaire peut se vanter d’avoir séduit les convives : aujourd’hui, 80 à 90 couverts sont assurés chaque jour sur 1,5 service pour un ticket moyen de 32 €.
Pour déguster sur place l’une des nombreuses bouteilles proposées par des vignerons indépendants (près de 300 références allant de 15 à 50 €), uniquement des vins natures, “bio au minimum” et issus à 90 % des terroirs de l’Hexagone, rien n’est plus simple. Il suffit de sélectionner son breuvage et de s’acquitter d’un droit de bouchon de 9 €. Outre les bouteilles, une proposition hebdomadaire de 13 vins au verre est à disposition des convives. 75 % du chiffre d’affaires est assuré par la vente de vin sur place contre 25 % en vente à emporter (1 000 bouteilles sont consommées chaque mois). La proportion est la même pour la vente de produits d’épicerie, ce que les patrons tenteront de mieux équilibrer au sein de la nouvelle boutique.
Rue de Bazeilles, Paris 5e
On prend les mêmes et on recommence. Pour la nouvelle boutique, les deux associés ont encore une fois lancé un appel en financement participatif. Pour l’heure, 65 % de la levée de fonds est réalisée. La deuxième phase (après l’acquisition du local et du fonds de commerce) de la levée de fonds, consistant à lancer les travaux et à payer les premiers appels de fonds des architectes, est en cours. Cet automne, Le Bel Ordinaire n° 2 ouvrira dans le 5e arrondissement de la capitale, tout près des commerces de la rue Mouffetard, pour le bonheur d’une clientèle un brin plus bourgeoise et touristique. Un lieu qui est né par hasard, au détour d’une opportunité, et que les gérants souhaitent “unique”. Car “chaque lieu est différent” explique Sébastien Demorand. “Notre idée n’est pas de dupliquer un endroit mais de rendre chaque espace unique en son genre. Nous écoutons ce que la boutique nous dit”. Au 5 rue de Bazeilles, exit deux anciens traiteurs à l’abandon, le nouveau Bel Ordinaire s’étendra sur un espace de 200 m2. Au programme, deux espaces distincts avec chacun sa porte d’entrée : d’un côté, la vente de produits alimentaires et de l’autre, un troquet. Une séparation volontaire qui devrait permettre de mieux segmenter le concept et de rééquilibrer le chiffre d’affaires entre VAE et restauration sur place. Mieux vendre les produits en vente à emporter mais aussi proposer une offre produits plus complète, notamment en frais, tout en resserrant sur des références à usage quotidien, tels sont les objectifs de la nouvelle boutique. Gageons que le nouveau-né connaîtra le succès de son grand frère…
Claire-Sophie Martin