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Le bio sans les valeurs du commerce équitable n’est plus suffisant

Complètement investi dans la promotion du commerce équitable depuis plus de 25 ans, Jean-Pierre Blanc – directeur général des cafés Malongo – en est également l’un des pionniers. Il revient pour Le Monde des Grands Cafés sur l’intérêt de cette économie vertueuse qui fonde sa légitimité avant tout sur la qualité.

Le Monde des Grands CafésDu 11 au 26 mai prochain se déroulera la Quinzaine du Commerce Équitable. Il s’agit pour les acteurs de cette filière, de sensibiliser le grand public aux valeurs du commerce équitable. Reste-il encore beaucoup à faire dans ce domaine ?

Jean-Pierre Blanc – Oui, il reste beaucoup de choses à faire, car si un grand nombre de consommateurs connaissent le commerce équitable, c’est souvent en superficie et ils n’en connaissent pas vraiment les fondamentaux. Certes, ils en achètent mais à mon avis pas suffisamment, c’est pourquoi il faut redire ce qu’est le commerce équitable par rapport à la qualité et par rapport aux hommes qui cultivent le café…

LMGCPensez-vous qu’ils en achètent pour se donner bonne conscience ?

JPB – Je ne pense pas. Je me suis lancé dans le commerce équitable en 1992 et je me dis que si les consommateurs nous ont suivis en achetant et rachetant notre café de petits producteurs, c’est parce qu’il est bon ! Sinon, ils en auraient acheté une fois, pas deux. Cette notion de qualité est du reste pas suffisamment mise en valeur et c’est pourtant fondamental. Rien ne peut fonctionner sans elle : pas de qualité cela veut dire pas de vente donc pas de développement.

LMGCIl a été décidé d’associer cette année la notion d’équité à celle de climat. Cela fait partie des éléments dont on ne parlait pas beaucoup en 1992.

JPB – Quand j’ai démarré, on ne parlait pas en effet de climat, pas non plus de petits producteurs, pas davantage d’agriculture biologique et encore moins de café de spécialité. On a donc construit cela en anticipant. Tout est partie en fait de la découverte d’une coopérative au Mexique. C’est réellement la coopérative historique du commerce équitable puisque c’est là qu’est né le label Max Havelaar. C’est donc grâce à cette découverte d’hommes, puis d’un système d’agroforesterie et de l’agriculture bio, de la qualité du café d’altitude, d’anciennes variétés botaniques, d’un terroir et enfin de toutes les valeurs morales par rapport à l’achat que je me suis autant investi ! Nous sommes passés d’un petit container à 4 000 tonnes en ayant monté des filières.

LMGCLe commerce équitable est donc la bonne solution ?

JPB – Oui car sans les valeurs du commerce équitable, il manque quelque chose au bio. Tout particulièrement en ce moment, où l’on cherche à paupériser le bio. Aujourd’hui, alors que le café est vendu en dessous de son prix de revient, nous l’achetons plus du double et encore, j’ose le dire, ce n’est pas suffisant ! Car la vraie question est : comment on maintient une filière en état ? Comment on fait vivre une communauté ? Et comment on accompagne tout cela ? Les éléments économiques sont bien entendu indispensables ; il y a le prix minimum garanti mais il faut aller plus loin, y ajouter une prime collective pour financer différents programmes de développement des populations (éducation, social…), une prime pour le bio et y ajouter enfin une prime pour la qualité. Tout ceci dans la transparence et en accord avec des coopératives qui partagent ces valeurs et font profiter l’ensemble des paysans. Ces coopératives sont indispensables puisqu’elles ont seules la capacité de respecter tous les process garantissant la qualité, et la capacité d’être présentes à l’export. Nous travaillons main dans la main.

Nous les aidons par ailleurs à réaliser des contrôles qualité en laboratoire ; nous encourageons la formation de tous les acteurs, organisons des épreuves de cupping… Il est nécessaire que chacun puisse prendre conscience que toutes les étapes de l’élaboration du café sont essentielles. Enfin, il faut créer une émulation : nous n’agissons pas par charité, nous achetons de la qualité. Il s’agit d’un échange d’égal à égal.

LMGC – Dans ce contexte, le café de spécialité permet lui aussi une belle valorisation du café de grande qualité.

JPB – Oui, je ne critique pas mais on parle souvent de micro-lots, mais ce ne sont pas les micro-lots qui font vivre durablement une coopérative qui fédère 500 paysans sur 500 hectares ! Le micro-lot fera vivre trois familles. Et les autres ? Je ne dis pas que ce n’est pas bien de le faire mais cela ne résout pas le problème des paysans. Leur travail est valorisé et c’est bien, mais il faut aller plus loin pour permettre au plus grand nombre de vivre toute l’année du café. Pourquoi pas en les aidant à trouver de nouveaux débouchés comme l’implantation de torréfacteurs qui leur permettraient de revendre le café transformé sur le marché local ? Monter de usines de confitures ?

LMGC – Que peut faire le commerce équitable pour aider ces pays producteurs à lutter contre le réchauffement climatique ?

JPB – On peut faire beaucoup. Nous en avons d’ailleurs fait l’expérience avec notre coopérative historique au Mexique il y a trois ans et demi. Le réchauffement climatique, qu’il faudrait plutôt présenter comme un changement dans les variations climatiques – on passe de périodes de sécheresse à des périodes de fortes pluies, des périodes de grand froid à de grosses chaleurs – a contribué au développement brutal de la maladie de la rouille des caféiers ; 95 % des arbres ont été détruits par la rouille, il n’avait plus rien ! Malongo a financé la mise en place de quatre millions de pieds de caféiers et la coopérative est aujourd’hui reconstituée. Nous avons retravaillé sur les arbres de couverture mais aussi sur un mixte de variétés botaniques afin d’adapter ces zones pour qu’elles parviennent à se protéger contre les variations climatiques brutales.

LMGC – Depuis 1995, votre entreprise soutien et encourage les jeunes producteurs via un concours. Il semble que de plus en plus de jeunes se passionnent pour le café. N’est-ce pas une chance pour l’avenir ?

JPB – Certainement et nous venons tout juste de fêter le 25e anniversaire du Concours du Jeune Professionnel du Café ; un rendez-vous important puisque ce sont des élèves formés dans les écoles hôtelières qui y participent et cette année nous avions 150 candidats, témoignant ainsi d’un intérêt grandissant. Depuis 25 ans, nous avons formé enviro 30 000 jeunes au café et leur niveau de connaissances est impressionnant. Il y a une passion incroyable, un véritable engagement et ce sont assurément d’excellents ambassadeurs du commerce équitable. C’est donc une chance…

Propos recueillis par Bruno Lecoq

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