Les élus européens ont adopté leur position sur le projet de règlement européen sur les emballages le 22 novembre dernier. Le Parlement a retenu les objectifs de réduction des emballages proposés par la Commission mais fait passer la question de leur réemploi au second plan.
Il y a un peu plus d’un an, la Commission européenne a publié une proposition de règlement sur les emballages et déchets d’emballages. Cette proposition s’inscrit dans le Pacte vert pour l’Europe et se rattache au nouveau plan européen en faveur de l’économie circulaire. Elle a pour objectif d’inverser la tendance à l’augmentation continue des déchets d’emballage dans l’UE. Ceux-ci représentaient 177 kg par Européen en 2020, soit 15 % de plus qu’en 2010.
Pourquoi un règlement européen sur les emballages
Le projet de règlement révise la directive européenne de 1994 sur les déchets. La nature de ces textes n’est pas la même. Une directive fait l’objet de transpositions qui autorisent les interprétations dans le droit de chaque pays membre. Le règlement s’applique obligatoirement tel quel dans tous les pays de l’UE. Si la Commission a choisi la voie du règlement pour réviser la directive Déchets d’Emballages, c’est parce qu’elle a jugé que celle-ci n’a pas atteint les résultats escomptés.
Le vrac obtient une avancée
Le texte adopté par le Parlement européen reprend les objectifs globaux de réduction des emballages avancés par la Commission : 5 % d’ici 2030, 10 % d’ici 2035 et 20 % d’ici 2040. Il favorise aussi le développement du vrac au niveau européen en obligeant les grandes surfaces à lui consacrer au moins 10 % de leur surface à partir de 2030. « Le modèle français s’exporte désormais au niveau européen », se félicite ainsi Celia Rennesson, directrice du Réseau Vrac et Réemploi français.
La restauration rapide se fait oublier
Mais la discussion parlementaire a conduit à l’adoption d’amendements et modifications qui édulcorent le projet de règlement. Ainsi, l’interdiction des emballages à usage unique dans restauration rapide est passée à la trappe. Cette disparition affaiblit la position de la France, premier pays européen à avoir interdit la vaisselle jetable dans les fast-food… « Il est alarmant de constater que des députés européens aient cédé aux arguments des lobbyistes », proteste Célia Rennesson. Les objectifs de réemploi dans la vente à emporter ont également été revus à la baisse.
Les bouteilles de vin exemptées !
Autre surprise, les vins et spiritueux ont été exemptés des objectifs de réutilisation des emballages. En conséquence, ces derniers (10 % d’ici 2030 et 25 % d’ici 2040) ne s’appliqueraient qu’aux bières et cidres ! « L’ajout d’exemptions aux objectifs de réemploi est une source de préoccupation majeure », alerte le Réseau Vrac et Réemploi.
Quand le recyclage concurrence le réemploi
Pour certains emballages, une disposition prévoit par ailleurs que les États membres qui déclarent un taux de recyclage de 85 % pourront s’affranchir des objectifs de réemploi.« En favorisant le recyclage plutôt que le réemploi, le Parlement remet en question le fondement même de la législation européenne sur les déchets, à savoir la hiérarchie des modes de traitement des déchets », pointe Célia Rennesson. Cette ”hiérarchie“ donne en effet la priorité à la réduction à la source, devant le réemploi puis le recyclage.
La « stratégie 3R » dans le désordre
Là encore, en semblant mettre sur un pied d’égalité réemploi et recyclage, l’Europe pourrait donner le sentiment de négliger la doctrine « 3R » (« Réduire, Réutiliser, Recycler ») hexagonale. Il est vrai que même en France, celle-ci ne fait pas l’unanimité. Nos collectivités locales notamment, s’inquiètent de l’objectif gouvernemental d’affecter au moins 10 % des emballages plastiques à usage unique au réemploi d’ici fin 2025. Elles craignent que cela déstabilise le financement des actuelles filières de recyclage des bouteilles en plastique. Or le débat entre ceux qui incriminent la « surtransposition » des lois européennes dans le droit français et ceux qui dénoncent le laisser-faire gouvernemental a plutôt tourné en faveur des premiers ces derniers temps, comme les revirements sur le glyphosate le rappellent.
Le texte peut encore évoluer
Malgré ces revers, les partisans des 3R n’ont pas dit leur dernier mot. Le processus législatif n’est en effet pas terminé. Après le Parlement, le Conseil des Ministres de l’UE doit à son tour étudier et éventuellement amender le texte. En cas de divergence, une commission tripartite Parlement-Conseil-Commission sera chargée de trouver un consensus… Si aucun accord n’est trouvé, le texte ne sera pas adopté. En pratique, cette issue s’est rarement produite par le passé.
La pression des élections européennes
Dans le cas du règlement Emballages, une échéance mettra les débats sous pression : les élections européennes de juin 2024. Après celles-ci, le programme législatif sera en effet remis à zéro. Sur l’adoption comme sur le contenu du projet de réglement Emballages, tout dépendra donc de la disposition des élus et ministres à endosser ou non la cause environnementale. Le tout récent rejet par le Parlement européen de la proposition de réglement sur les pesticides, autre pilier du Pacte vert, n’incite pas à l’optimisme.