Lauréat du Prix de la Meilleure Épicerie Fine de l’Année en 2018 par le jury des Épicures de l’Année, le concept porté par Juliette Graux a fait un sacré chemin. Recette sur cette belle aventure avant l’ouverture d’une sixième Épicerie Madame en mai 2023 à Rouen.
Le Monde de l’Épicerie Fine – Vous avez créé votre boutique en 2017. Pouvez-vous nous en rappeler le concept ?
Juliette Graux – C’est parti du fait que je ne retrouvais pas à Lille, les produits que je trouvais à Paris en allant à La Grande Épicerie : des produits qui sortent du quotidien. Je me souviens avoir lu un article dans Elle à Table justement dans lequel y étaient présentés tous les produits d’épicerie fine un peu tendance, comme le miel qui est récolté sur le toit de l’Opéra de Paris. L’idée de proposer ça à Lille est vraiment partie de là. Mais comme au départ les agences spécialisées dans l’immobilier commercial ne me proposaient que des loyers exorbitants, j’ai failli abandonner, jusqu’au jour où j’ai eu une proposition qui rendait le projet possible. Il faut vendre beaucoup de pots de moutarde à quatre euros pour rentabiliser un loyer ! J’ai investi un peu plus de 120 000 euros…
LMEF – Et le nom : Épicerie Madame ?
J.G – Cela m’est venu comme ça, en une nuit. J’ai trois sœurs et on très “tribu free féminine”… c’est très marqué dans notre culture familiale. Je me suis laissé porter par l’inspiration.
LMEF – Avez-vous tout de suite rencontré votre public ou avez-vous dû adapter votre offre en chemin ?
J.G – Cela a relativement bien démarré mais au départ j’avais un tout petit stock et un nombre de références quand même très limité. Quand je revois les photos de l’époque : les étagères étaient vides et moi je trouvais ça joli ! Cela a d’ailleurs fait l’objet d’une réflexion quand j’ai candidaté au Prix Épicures de l’Année en 2018 : Pascal Mièvre, un des membres du jury qui est épicier fin à Paris, m’avait dit : “Il faut que tu remplisses, il y a trop de blanc dans ta boutique.” Je l’ai écouté et j’ai bien fait. Donc, pour répondre à votre question, oui nous avons adapté l’offre initiale dans le sens où l’on a multiplié le nombre de références.
“Mes associés m’ont aussi permis d’avoir un regard un peu plus professionnel sur mon activité.”
LMEF – Qu’est-ce qui explique selon vous l’attractivité du modèle ?
J.G – Plusieurs choses bien sûr : la qualité de la sélection, la connaissance des produits, l’accueil du client, le côté humain, vraiment : la partie expérience en magasin est très importante. Enfin, il y a le renouvellement permanent de l’offre, chaque semaine nous proposons de nouvelles références. Certains artisans ne comprennent pas toujours pourquoi on arrête de commander ce qu’ils vendent bien chez nous ; ce n’est pas que l’on n’aime plus ce qu’ils font, c’est que nos clients nous demandent systématiquement du nouveau et que nous leur donnons satisfaction.
LMEF – Lille, Lyon, Reims, Strasbourg et Nantes : cela fait cinq points de vente… S’agit-il d’un développement en propre ?
J.G – Oui. J’ai commencé toute seule mais au bout de huit mois d’activité, j’ai été approchée par deux Lillois, anciens professionnels de la grande distribution à la retraite que je connaissais déjà, par personne interposée. Ils m’ont dit qu’ils s’occupaient en développant de jeunes concepts comme le mien. Ce sont eux notamment qui ont développé la chaîne de magasins de décoration pour enfants qui s’appelle Le Petit Souk, une enseigne lilloise. Ils sont entrés au capital de cette société et ont ouvert une vingtaine de boutiques en France.
Au bout de sept ans, à la demande des créateurs, ils ont revendu au groupe Maisons du Monde. J’ai donc accepté leur proposition, ils sont entrés au capital de ma société en me laissant la majorité, ils n’interviennent absolument pas sur l’opérationnel mais ils m’apportent vraiment une aide stratégique et financière. Non seulement j’ai pu profiter de leur expertise mais ils m’ont aussi permis d’avoir un regard un peu plus professionnel sur mon activité.
“Il nous faut des villes assez bourgeoises…”
LMEF – Comment choisissez-vous les villes et les emplacements de vos épiceries ?
J.G – Il nous faut des villes assez bourgeoises avec un certain pouvoir d’achat et, c’est un plus, un flux touristique. On regarde ensemble les opportunités et comme nous n’avons pas de gros budgets pour nous implanter – les prix des fonds sont affolants – on ne saisit que ce que l’on peut s’offrir. Ce sont nos premiers magasins qui dégagent des bénéfices, qui financent le développement des nouveaux.
LMEF – Avez-vous des villes dans votre collimateur ?
J.G – Clairement, nous ne sommes pas du tout tentés par Paris où il y a déjà tout. On cherche des villes qui ressemblent à Reims où nous sommes : le magasin a fonctionné presque tout de suite parce que nous sommes très bien placés et qu’il n’y avait pas de concurrence sur notre positionnement de luxe assumé. L’attraction touristique a aussi son importance, on le voit à Strasbourg où un tiers de notre clientèle est touristique. Ce qui nous a conduits à adapter notre offre vers plus de cadeaux.
On ne cherche pas des rues dédiées aux métiers de bouche pour ne pas faire concurrence aux fromagers et charcutiers qui proposent tous des petites gammes de produits gourmets ; ce qu’il nous faut, ce sont des quartiers généralistes avec des commerces indépendants. C’est du reste ce que nous avons trouvé à Rouen, rue Saint-Nicolas, où nous ouvrons notre sixième magasin en mai. J’ai été séduite par cette ville qui accueille beaucoup d’anciens Parisiens et pas mal d’enseignes haut de gamme.
LMEF – Vous a-t-on déjà sollicités pour devenir franchisé Épicerie Madame ?
J.G – Oui, plusieurs personnes sont entrées en contact avec nous. Dans un premier temps nous restons sur l’idée de nous développer en propre, mais nous ne sommes pas fermés : on verra plus tard.
LMEF – Comment organisez-vous vos semaines ?
J.G – Nous avons loué l’appartement situé au-dessus du magasin de Lille pour y installer des bureaux, ce qui me permet de croiser mes clients de temps en temps et de remplacer le mercredi la responsable de la boutique pendant qu’elle prend sa pause. Je fais quand même encore un peu de ventes. Et puis, toutes les semaines je pars en vadrouille visiter les autres magasins. J’ai fait quatre années de boutique pratiquement toute seule, en arrivant à 9 heures 30 pour repartir à 19 heures 30, et j’avoue que je suis très contente de ce qui m’arrive.
LMEF – Est-ce que l’épicerie fine a changé depuis 2017 ?
J.G – Oui, il y a quand même un effet Covid qui a amplifié l’intérêt des gens pour l’épicerie fine : ceux qui ne cuisinaient pas encore parce qu’ils pensaient que c’était compliqué. Ils ont pris conscience qu’il suffisait parfois de pas grand-chose – quelques bons ingrédients comme ceux que proposent les épiceries fines – pour cuisiner bon chez soi, que cela n’était pas réservé à une élite bourgeoise ni à des cuisiniers.
Une reconversion réussie Juliette Graux a travaillé dix ans dans la musique classique et dix ans dans l’immobilier avant de changer complètement de voie et de commencer une troisième vie professionnelle en créant sa première Épicerie Madame. “Dans ma première vie professionnelle dit-elle, j’étais dans la production de concerts et management artistique pour l’une des plus grosses maisons de disques parisiennes qui représentait Rostropovitch et les sœurs Labèque.”
Bruno Lecoq
Les boutiques - Épicerie Madame
ÉPICERIE MADAME LILLE
33, rue Lepelletier 59800 LILLE
du mardi au samedi de 10h30 à 19h
Tel: 03 20 47 50 70
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Site
lille@epiceriemadame.fr
ÉPICERIE MADAME LYON
5, rue Palais Grillet 69002 LYON
du mardi au samedi de 10h30 à 13h30 et de 14h30 à 19h
Tel: 04 72 64 14 11
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Site
lyon@epiceriemadame.fr
ÉPICERIE MADAME REIMS
15, rue de l’Arbalète 51100 REIMS
du mardi au samedi de 10h30 à 13h30 et de 14h30 à 19h
Tel: 03 26 88 32 57
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Site
reims@epiceriemadame.fr
ÉPICERIE MADAME NANTES
2 rue Scribe
du mardi au samedi de 10h30 à 13h30 et de 14h30 à 19h
Tel: 02 40 04 94 11
ÉPICERIE MADAME STRASBOURG
16 rue du Vieux Marché aux Poissons
du mardi au samedi de 10h00 à 13h30 et de 14h30 à 19h
Tel: 03 90 29 62 39